à propos
Chantal Pannier se lance dans la peinture en 1999 comme une correspondance avec elle-même, pour répondre à un changement de vie personnelle. Un changement radical. Elle se nourrit de lectures, de prières, des rencontres qui parsèment son existence pour constituer son "acte de peindre".
"Je ne peux concevoir de peindre et de faire abstraction de qui suis-je ?".
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Bien sûr qu'elle a des choses à dire. mais elle s'éloigne bien vite des chemins qui la mènent à la nature qui l'entoure, aux clichés d'un pays qui trouvent dans ses vaches, ses sapins, ses montagnes et ses neiges une identité mille fois reconnaissable. Son inspiration trouve dans les thèmes liés à l'humanité et à ses questions une source d'inspiration et de mise en page bien plus prégnantes.
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On en arrive à ce qui constitue la vraie originalité du travail de Chantal, qui en fait toute sa force et son intérêt. Puisqu'il faut travailler sur la base d'une rencontre, se fondre dans la lecture d'un livre, ressentir les effets spirituels d'un texte calibré en prière, manifester ses sens au contact de la "vie" comme cela, "au gré du vent, autant profiter des médias picturaux qui tombent sous la main !"
"Je ne peins jamais avec des pinceaux, ou que très rarement. Je m'approprie tous les outils, toutes les matières qui me tombent sous la main !"
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Pour peindre, Chantal s'accapare des ustensiles de la vie courante, afin de répondre à ce besoin instantané de s'exprimer, de témoigner, dans l'immédiat, de ce qu'elle a ressenti : chiffons, baguettes, brosses à ongles ou à dents, règles de mesure, raclette à vitre, ... et même "scotch brite" ou bougie, si cela est nécessaire.
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De la même manière, elle utilise les "matières" qui se tiennent à sa portée, tissus, papiers, sel, poivre, farine, quels qu'ils soient, pourvu qu'ils supportent son envie irrépressible de communiquer l'effervescence de son imagination. Tous ces bouts de matière se marient à merveille, presque naturellement, avec les couleurs fraîchement sorties de ses tubes acryliques. "Pour moi, me mettre à peintre, c'est comme entreprendre la préparation d'un plat cuisiné !" et, "si je commence avec une brosse à dents, je finis mon ouvrage avec une brosse à dents et si je mets de l'or dans mon tableau c'est en relation avec le créateur !"
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Bien sûr qu'elle met toute sa spontanéité au service de son art, bien sûr qu'elle laisse à la vie le soin de lui donner les atouts pour réaliser son projet, mais elle le met en page de manière ordonnée, gardant son fil conducteur jusqu'à la réalisation complète de son ouvrage. "Je lis, je regarde la nature, j'écoute les enfants ; puis je choisis mon format, mon support, mes outils, mes médias, et là, je pars sans calcul vers la peinture, mais en sachant où je vais, comme une évidence !"
Celui qui regarde une peinture de Chantal Pannier, pour peu qu'il soit averti de ce qui se passe dans le monde des arts plastiques, reste épaté par la richesse de culture qui émane de ses tableaux. En effet, alors qu'elle ne connaît pas le cheminement historique des peintres les plus célèbres et représentatifs des différents courant de l'art du XXe Siècle, qu'elle n'est pas au courant des écoles successives de l'art abstrait, ni de leur subtilités, ni de leurs influences sur nos peintres contemporains, il y a dans ses oeuvres, dans leur construction, dans leur rendu, matière à penser qu'elle "ré-invente" par elle-même, sans aucune référence extérieure, un art déjà consommé, mais pourtant précurseur de ce qu'est l'art contemporain. Comment ne pas penser aux envolées lyriques d'un Jean Fautrier, à la "relecture" impressionniste d'une Joan Mitchell, à l'expressivité d'un Gerhard Richter, ou à la mise en avant de l'acte de peindre d'un Asger Jorn, quand on est amené à contempler une peinture de Chantal Pannier ?
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Ce qui est subjuguant dans son travail, c'est qu'elle ne connaît ni leurs noms, ni leur existence en tant qu'artistes, ni leurs travaux, ni même leur influence sur le monde de la peinture. Ce que Chantal a enfanté dans son abstraction n'est venu que d'elle-même, de cette relation entre message à faire passer, entre conviction à partager, et envolée de pigments et de matières à mettre en volume. Comme quoi l'art, fut-il abstrait, se nourrit de nos envies les plus intimes, de nos prises de position, mais également de nos enseignements personnels et construits.
THIERRY TURLAN
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